SOIT LES AMÉRICAINS FONT UN QE3, SOIT ILS NOUS REFONT LE COUP DE LA GRECE!
- Bonjour Philippe ! On est à maintenant 48 heures de la fin du trimestre, le meilleur trimestre en Bourse depuis 1998 ! Mais vous, vous continuez de penser que cette hausse des marchés est fragile et que ce n’est pas un vrai bull market ?
- Ce n’est certainement pas un bull market dans la mesure où il n’est pas relié à une embellie concrète de la conjoncture ! Mais on s’en fiche, la Bourse, ça regarde vers l’avenir. Or, à l’avenir, il n’y a aucune chance que l’amélioration des conditions économiques soit comparable à la formidable hausse des indices !
Je mets le Cac40 entre parenthèses puisque les vrais indices haussiers sont le S&P, le Nasdaq et surtout le DAX de Francfort avec une performance qui est pratiquement le double de celle du Cac40 ! Là aussi, il faut que l’on s’interroge….
En ce qui concerne les éléments purement techniques, il y a évidemment un défaut de volumes absolument considérable depuis des semaines et même depuis des mois ! Lundi : 2.2 milliards, c’est une des séances les plus creuses depuis le début de l’année! Le premier trimestre 2012 en terme de volumes globaux sur le Cac40, c’est un des plus faibles de la décennie, on est monté avec moitié moins de volumes que lors du précédent bull market qui a eu lieu en 2006-2007, et beaucoup moins de volumes évidemment qu’en 1999-2000, bref, il n’y a rien de comparable !
La conclusion est toujours la même : il n’y a qu’un seul acteur dans le marché et c’est la Banque Centrale ! Un acheteur unique et dans ce cas-là, on ne peut pas vraiment qualifier cela de bull market puisque 1) ce n’est pas bull et 2) ce n’est pas un market !
- Pourtant, Philippe, beaucoup de gérants évoquent un retour des particuliers sur les marchés depuis quelques semaines !
- Forcément ! Quand on a un ratio de 5-6 séances de hausse pour une séance de consolidation, je ne parle même pas d’une séance de baisse !... Quand on regarde le canal haussier sur les marchés, on voit bien que c’est fait à l’ordinateur, que c’est fait à l’algorithme ! Quand on est sûr de gagner à 100%, ça attire toujours du monde ! Je l’avais déjà expliqué : c’est un casino où le noir sort douze fois sur treize, la roulette est forcément truquée mais ceux qui sont dans la combine savent qu’ils peuvent y aller ! La seule chose, c’est qu’on ne sait pas si d’un seul coup la série va s’arrêter et quand on va revenir à du 50/50…
- Et pour vous, les banques sont conscientes que la hausse des marchés est artificielle ? Tout le monde en est conscient sauf les particuliers ?
- Les particuliers ne sont pas naïfs non plus ! On voit bien qu’il n’y a pas eu de retour massif des investisseurs. En ce qui concerne les institutionnels, je dirais que la Bourse n’est toujours pas leur priorité même s’ils en disent le plus grand bien, parce qu’avec des taux à 0, rien de mieux que des actions ! Sauf que la promesse de taux 0 jusqu’à fin 2013-2014 n’est évidemment pas tenable et elle le sera d’autant moins que la FED et La BCE mettront en place de nouveaux Quantitative Easing !
On voit bien où l’argent va s’en aller : directement dans le pétrole, les terres rares, etc…Le handicap inflationniste va très rapidement prendre le pas sur les avantages de plus de liquidités. Mais cette liquidité, pour l’instant, continue de s’investir, prioritairement dans le refinancement des États en Europe, principalement en Espagne.
L’Espagne est un double problème : le pays se refinance mais il y a aussi le système bancaire ! Les banques espagnoles sont officiellement porteuses de 170 milliards de créances douteuses, on sait bien que ces dépréciations datent déjà d’il y a un an, pour véritablement prendre la mesure des pertes potentielles, il faut pratiquement tripler ce chiffre !
Il y a deux millions de logements invendus dont un million probablement invendables, et trois à quatre millions de logements qui sont pour l’instant sous l’eau, un phénomène bien connu aux États-Unis où il y a pratiquement un tiers des acheteurs dont le bien vaut moins que ce qui leur reste de prêts à rembourser !
- Vous insistez beaucoup, Philippe, sur l’Espagne et globalement vous n’insistez que sur les points négatifs ! Du coup, vous laissez de côté certains aspects positifs comme la reprise américaine qui semble se confirmer, le ralentissement en Chine qui s’effectue en soft-landing….Quand on fait la balance des deux, où voyez-vous le marché aller dans les prochains mois ?
- Je pense que l’on est arrivé au bout de ce que l’on pouvait raisonnablement conquérir comme terrain boursier. On va se télescoper avec, à mon avis, des éléments bien concrets ! Ce qui me paraît le plus dangereux aujourd’hui, c’est que l’on est toujours en concurrence frontale avec les États-Unis pour se refinancer.
Je pense que les prétextes invoqués par Ben Bernanke, comme l’immobilier qui ne repart pas ou encore l’emploi qui se redresse mais sans être sûr que cela continue, ne sont que des excuses afin de mettre en place un QE3 qui a été décidé il y a déjà fort longtemps, parce qu’il n’y a pas d’autres moyens d’absorber les émissions du Trésor américain !
Il y a soit le QE3 et à ce moment-là c’est de la monétisation, soit les Américains ne font pas de QE3 parce qu’ils se rendent compte que l’inflation est un danger trop prégnant et à ce moment-là, que feront-ils ? Ils nous referont le coup de la Grèce ! ils feront fuir les investisseurs de la zone Euro, ils ne viendront pas investir sur les dettes souveraines espagnoles, françaises, italiennes, etc…Ils viendront sagement reprendre du T-Bond américain sur lesquels ils se sentent plus en sécurité ! On a le choix entre deux mauvais scénarios : un QE3 inflationniste ou des Américains qui nous plantent avec l’Espagne !
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